CULTURE ET TRADITION : Connaissance du peuple YAMBASSA

CULTURE ET TRADITION : Connaissance du peuple YAMBASSA

novembre 27, 2019 8 Par MBOLO Team

Le pays Yambassa avec une superficie de 1.134 km² ; avait une population de 26.804 habitants en 1949 et une densité de 23 habitants au kilomètre carré. (CF Dugast inventaire ethnique du Sud Cameroun mémoire). Ce pays est limité au Nord par les Bafia et les Lémandé, à l’Ouest par l’Arrondissement de Ndom, au Sud et à l’Est par la Liwa (Lihoua), la Sanaga et le Mbam.

Origine du nom Yambassa

Le nom Yambassa dérive du nom d’Ambassa qui vivait près de la rivière qui autrefois portait son nom et devenu aujourd’hui la Liwa affluent de la Sanaga. Lorsque les Bassa et les Bassoh traversaient la Liwa pour venir se ravitailler en concombres (gèg) chez les Batcha, ils disaient qu’ils allaient chez les Yambassa. Retenons que le nom Batcha veut dire village de concombres. Les Yambassa et les Bafia ont les mêmes coutumes.

Lien avec les autres tribus

La tribu Yambassa ne se rattache pas à la grande tribu Béti dont elle serait un sous- groupe comme l’affirmait l’Abbé Kibindé n’en voulant pour preuve que les multiples noms de personnes qui sont les mêmes d’un groupe à l’autre par exemple : Ambassa (Yambassa) – Ambassa (Ewondo) Abanda (Yambassa) Abanda (Ewondo). Il est vrai que les échanges sur tous les plans (Mariages, amitiés) pouvant amener ces noms d’entrer dans l’une ou l’autre tribu. Mais n’oublions pas en effet que le Mbam a joué un rôle de première importance dans le peuplement du Cameroun et même de la sous-région Afrique-Centrale.

Il est aujourd’hui prouvé que des mouvements migratoires partis de la zone du Mbam ont permis le Peuplement de l’Ouest et du Nord-Ouest. De même, les Fang-Béti qui peuplent le Centre, le Sud du Cameroun ainsi que le Nord du Gabon et la Guinée Equatoriale ont leurs racines dans le Mbam. Ces derniers sont désignés par Tesmann de Pangwe ou Pahouin ; sur la carte des BAFIA et leurs voisins, nous relèverons un sous-groupe Yambassa encadré par les Vuté, les Mvellé et les Béti.

Face à la colonisation

Les Yambassa étaient les premiers hommes à entrer en contact avec les premiers colons dans le Mbam ; en 1892, l’expédition de Ramsay amena à la côte et à Edéa les jeunes Yambassa pour les travaux de construction. Assiégés par les Sanaga pendant de nombreuses années, ceux-ci avaient acquis le droit de protection du gouvernement allemand. Les Yambassa obéissaient à leur Chef Botiba ; né vers 1890, originaire de Yangben (Bokito).

L’adoption de nouvelles religions

A partir de 1920, la France par certains de ses administrateurs, souvent soutenus en haut lieu, ont activement favorisé l’islamisation dans le Mbam. Presque toutes les chefferies Bafia et Sanaga étaient devenues d’allégeance musulmane.

La tribu Yambassa avait résisté. Botiba, grâce à ses démêlés avec l’Administration, avait fermé l’entrée de son pays aux prétentions de l’Islam. L’importante ethnie était devenue massivement et généreusement chrétienne abandonnant ainsi la religion traditionnelle afin de se procurer les valeurs constructives de l’Évangile. En 1924, Botiba est baptisé par le Père Bernhard.

En 1935, il rendit visite à Monseigneur Vogt. C’était pour dire à l’Evêque : “donne-moi un prêtre pour mon village Yagben. Nous avons construit un presbytère en briques cuites et couvert de tôles”. Le Père Lucien Michaud, canadien, fonda la première paroisse de Yambassa.

Le règne de l’emblématique chef Botiba

Botiba régna en maître absolu sur toute l’étendue du pays Yambassa. Personnage écouté, il travailla à unir et protéger l’ensemble de la contrée Yambassa. Il fut assisté par les chefs comme Aboudé qui dirigeait Assala I ou Bokaga, Seke Yaboudia était à Assala II, Amassoka dirigeait le village Begni, Mabouna Guibilé était à Boyambassa, Boulemegué était à Boulaga (Bouraka), Onana Mboussi régnait à Guintsing, Aboadé Beyigué à Guiboba qui dépendait de Guefigué lui même commandé par Aloumbé, Onana Ambassa était le chef d’Ombessa.

Néanmoins, Botiba se montra de plus en plus autocrate qu’il se faisait porter sur un hamac par ses sujets. Dans l’enceinte de son palais se trouvait une cellule aménagée pour des sujets récalcitrants. Ce qui n’était du tout du goût des autorités administrantes qui incitèrent les populations à la révolte et à se soulever contre le monarque.

La fin de règne de Botiba

Le chef Amassoka du village Bégni se convertit à l’Islam ; celui de Boulaga, Boulemegue demanda au nom de son village une autonomie qui lui fut aussitôt accordée. Botiba sera destitué et déporté à Bafia où il fut gardé dans un cachot .

Par peur des représailles, il fut abandonné par les chefs qui lui restèrent fidèles ainsi que les membres de sa famille. Botiba souffrit beaucoup et mourut en 1944, laissant son somptueux palais qui pour nous reste un vestige historique. La chefferie resta vacante pendant plusieurs années.

Son fils Etienne Botiba lui succéda à la chefferie supérieure en 1958 ; ce dernier s’inscrivit dans la logique de son prédécesseur en s’opposant obstinément que les populations Yambassa fussent utilisées pour des travaux de prestation au chef- lieu de Région.

A sa mort en 1992, la chefferie resta vacante en raison des querelles intestines dans la confusion des rôles. Son secrétaire, monsieur Mbaya assuma la régence. Ainsi, Jean-Marie Ombiogno, cousin de Botiba fut plébiscité par 12 chefs de village pour la succession. Alors que toutes les dispositions furent prises pour son intronisation, il décéda des suites d’une courte maladie.

Le 7 juillet 1957 un texte signé d’André-Marie Mbida, alors Premier-Ministre qui créa, à Bokito un poste administratif relevant de la subdivision de Bafia. En 1959, Bokito fut érigé en chef-lieu d’arrondissement regroupant les Lemandé, les Tchekos et les Yambassa et son tout premier chef était Farine Bernard un administrateur colonial d’origine française.

Traditions

La famille était beaucoup plus élargie, la femme était rattachée au mari et l’exogamie clanique était bien respectée. La dot chez les Yambassa suivait le même processus que chez les Bafia.

Les Yambassa croyaient à un Dieu appelé Osàŋà. Ils croyaient à l’immortalité de l’âme et pensaient que les ancêtres défunts pouvaient entrer en communication avec eux ; raison pour laquelle ils font des sacrifices sur les tombes des ancêtres sollicitant d’eux bénédictions et assistance.

Ils rendent le culte du Nkama ou Gam. D’autres divinités tels que l’Oloumé, le Génogo étaient vénérés. La secte Mugɔ ou Mɛkɔɔ était la base d’Oloumé où l’on pratiquait les soins thérapeutiques dont le rituel était l’Oloumé.

La région était affectée par des maladies tels que : le Yoŋa (hépatite virale) et le Muŋana (variole) mais les plus austères étaient la maladie du sommeil et la lèpre.

Quand un deuil survenait dans une famille, on plaçait une palme à l’entrée de la maison mortuaire. Après l’inhumation, le cinquième jour, jour de funérailles, le représentant de la famille, le plus vieux en âge, venait enlever ce palme et procéder au rite de purification appelé Bindeki. Si un homme mourrait le jour du Kada en Bafia, Kakake ou Giandena en Yambassa, on repoussait les funérailles d’un jour c’est-à-dire le sixième jour.

Le kada faisait ressortir l’importance de la spiritualité ; non seulement il permettait aux Bafia et aux Yambassa de se reposer, mais aussi leur offrait l’occasion de s’approcher de leur Dieu Bɛ̀ll ou Osàŋà et de lui prouver leur amour. Il s’agissait d’une journée consacrée exclusivement aux activités spirituelles notamment le culte en famille. L’observation pieuse du kada témoignait que les Bafia et les Yambassa ne consacraient pas la totalité de leur temps et de leur énergie à des préoccupations matérielles.

Le cinquième ou le sixième jour, très tôt le matin, à la croisée des chemins, on apportait de l’eau dans une vieille marmite d’argile ou dans une calebasse et on lavait les mains de tous les membres de la fratrie, acte pour dire un dernier adieu au défunt. Les outils utilisés pour creuser la tombe devaient rester cinq jours sur la tombe du défunt. C’est après purification qu’on pouvait en faire usage. Le lit où était couché le corps était abandonné sur la tombe.

L’Occupation des terres Yambassa par les Sanaga

Vers 1885, Nkoo Sarama, chef de guerre de la tribu Sanaga fut sollicité par le chef du village Kananga en guerre contre les Omende ce dernier était assisté des sept chefs représentant les sept villages Sanaga avec son armée pour éviter toute surprise, s’installe en arbitre entre les deux villages. Il impose une paix entre les deux clans et devient ainsi le gestionnaire principal dans le règlement des conflits.

Quelque temps plus tard, les Omende sont en conflit avec leurs frères les Batanga qui se montrent plus forts et les oppriment. Le chef Omende asphyxié par les Batanga, sollicite l’intervention de Nko’o Sarama qui, hier était son ennemi juré. Ce dernier accepte et repousse les Batanga qui battirent en retraite loin des Omende. Nko’o Sarama oblige donc les Omende et les Batanga à signer un pacte de non- agression entre-eux. La paix étant revenue, Nko’o Sarama demanda ses honoraires au chef Omendé constitués de 4 sacs de sel marin, 6 jeunes filles pucelles prêtes à être sacrifiées.

Néanmoins, les Omende refusèrent de payer la redevance et Nko’o Sarama organisa contre eux une expédition punitive qui se solda par une grande perte en vies humaines. Cette défaite fut symbolisé par l’expression ‘’Pinsing po nono patat’’. Pendant cette expédition, la légende révèle que le frère de Nko’o dont le nom ne nous avait été donné, faute d’avoir refusé la pratique des rites guerriers, succomba les armes à la main.

Les victimes de guerre Sanaga (Tsinga) furent ensevelies dans le territoire Omendé et leurs sépultures furent gardées. De même les Kananga ont continué à procréer et développer des plantations vivrières dans les terres qu’ils occupaient. Lorsque les Omande avaient revendiqué l’abandon total de territoire, les Sanaga trouvaient un prétexte basé sur leurs plantations et leurs sépultures ; ainsi les deux clans restèrent dans des infinies querelles.

A l’arrivée des Allemands, en 1889, ceux-ci trouvèrent donc les Sanaga en conflit avec leurs voisins Yambassa et cherchèrent à arrêter ces conflits Ainsi les terrains déjà occupés par les Sanaga à savoir Tsinga1 et Tsinga2 dans l’arrondissement de Bokito ne devrait plus être revendiqué par les Yambassa. Raison pour laquelle nous trouvons les Sanaga à l’intérieur des Yambassa et ceux- ci cohabitent dans un climat de paix.

Aujourd’hui …

Les Yambassa aujourd’hui sont divisés dans deux arrondissements, Bokito et Ombessa répartis dans 14 villages, six dialectes sont parlés : le nu-libie de Belip dits Elip, le nu-nyanben d’une partie des Yambassa dit Yangben et le mmaala des Begni, le nu-gunu dit Gounou, le nu-baca des Batcha et le Bâti.

Les Yambassa sont devenus les adeptes d’une idéologie qui leur ouvrait les portes de la “Bamilékéisation” dans la région du Mbam. Ceux-ci ont choisi, il y a de nombreuses années de s’installer dans les villages où ils ont acheté de vastes terres sur lesquelles ils ont créé de grandes exploitations agricoles. Grâce à leur sens d’ingéniosité remarquable, ils ont étendu ces plantations au fil des années et ouvert des boutiques. Aujourd’hui, ils vivent en colonies constituées où ils contrôlent l’essentiel de l’activité économique ; ce qui n’est pas du goût des autochtones qui voient mal des “étrangers” s’en mettre plein les bourses dans leur terre d’accueil.

On les retrouve à Biakoa, Goura, Banta, Voundoum, Nguila dans le Mbam et Kim ; à Nkoubou, Diomo, Bayomèn dans le Mbam et Inoubou. Des nombreux préjugés pèsent sur eux, notamment le fait de ne pas céder leur propre terre à aucun allogènes. Plusieurs fois les Yambassa ont été victimes des expéditions punitives de la part de leurs hôtes.