Le Collectif des Aveugles et Malvoyants Indignés du Cameroun écrit une lettre ouverte à Paul BIYA

Le Collectif des Aveugles et Malvoyants Indignés du Cameroun écrit une lettre ouverte à Paul BIYA

avril 3, 2022 0 Par MBOLO Team

Douala, le 1er avril 2022


A son Excellence monsieur le Président de la République du Cameroun


Objet : demande d’une attention prioritaire aux problèmes des personnes
handicapées


Son Excellence monsieur le Président de la République Chef de l’Etat,
Nous, personnes handicapées de la vue, réunies au sein du Collectif des
Aveugles et Malvoyants Indignés du Cameroun (CAMIC), avons trouvé la
nécessité de vous saisir par la présente, afin de vous présenter nos doléances, surtout de vous faire part de notre insatisfaction après 2 réunions tenues avec le conseiller technique du Ministère des Affaires Sociales mandaté par madame le Ministre, dans le but de nous rassurer de la volonté du gouvernement de prendre à bras le corps nos revendications exposées au cours de ces réunions et dans une correspondance adressée au Premier Ministre en décembre 2021.

Son Excellence, en date du 18 décembre 2021, les personnes handicapées de
diverses associations et le conseiller technique N°2 du Ministère des Affaires Sociales se sont retrouvés dans la salle de conférence de ce ministère à l’initiative de ce dernier avec pour principale finalité : désamorcer le setting qui avait été annoncée précédemment par le collectif. A la faveur de cette importante rencontre avec le mandataire de madame le Ministre, l’occasion nous a été donnée de décrire nos problèmes et nos difficultés, d’exprimer nos frustrations et de proposer des solutions qui nous semblent à même de changer positivement le quotidien de la personne handicapée dans notre pays.

Il a été unanimement reconnu que le problème le plus crucial auquel nous
faisons face est le manque d’emploi, lequel contraint certains parmi nous de se livrer à la mendicité, à défaut de les rendre dépendantes de leurs familles qui se sont sacrifiées pour eux et qui ont cru devoir leur donner les mêmes chances que les autres en payant leurs études et leurs formations. Cette difficulté avait été sérieusement exposée par les handicapés qui parlaient d’une même voix, en présence du conseiller technique n° 2 qui trouvait légitimes et fondés leurs malaises et leurs revendications.

Au terme de ces échanges ouverts, des propositions ont été faites, à savoir
entre autres : un recrutement spécial dans la fonction publique des handicapés, la création d’un fonds spécial pour le financement des projets de ceux-ci, l’instauration et l’élargissement d’une pension d’invalidité et l’institution des quotas dans les concours d’admissions dans les grandes écoles ou d’intégration directe dans la fonction publique. Il nous a également été demandé de fournir, dans les meilleurs délais, la liste des titulaires du CAPIEMP ayant participé au dernier recrutement des instituteurs et celle des docteurs, ce qui a été fait.

Des promesses nous ont été faites : d’une part rendre compte à madame le
Ministre de nos échanges, qui à son tour devait faire part de nos revendications et nos propositions au Premier Ministre dans un plaidoyer, à l’occasion d’un conseil de cabinet qui était prévu le 30 décembre, et d’autre part appliquer au plus tard le 31 mars 2022 certaines solutions proposées, afin d’améliorer nos conditions de vie.

Une seconde réunion dite d’évaluation a été convoquée le 18 mars 2022 par le même conseiller technique, à laquelle nous avons pris part sans manifester la moindre réticence. Seulement, noud n’avons retenu au terme de cette nouvelle rencontre aucune décision gouvernementale concernant le recrutement spécial ou la création d’un fonds spécial, ou du moins toute autre mesure tendant à humaniser nos conditions d’existence.

Curieusement, il nous a même été demandé d’aller constituer une base de données sans laquelle il est « difficile de procéder au recrutement spécial des handicapés », selon les dires du représentant de madame le Ministre.
Son Excellence, nous sommes estomaqués de nous rendre compte que le
Ministère des Affaires Sociales n’a pas des statistiques sur le nombre des
personnes handicapées en quête d’emploi qu’il a reçu la mission de protéger, selon l’article 1 alinéa 2 du décret n° 2005/160 du 25 mai 2005 portant son organisation ! Nous déduisons donc de cette exigence un abandon de cette mission par ce Ministère et partant, un manque de volonté politique du gouvernement de prendre au sérieux les préoccupations des personnes handicapées. Cette insistance sur les statistiques au cœur d’une réunion dite d’évaluation n’a de cesse que d’éluder les problèmes posés par les personnes handicapées. L’on devrait s’interroger à juste titre sur la fiabilité des résultats d’un tel travail réalisé dans un délai de 3 mois par les handicapés eux-mêmes, quand l’on sait que constituer une base de données de ces personnes sur l’ensemble du territoire camerounais requiert des moyens, du temps et de l’expérience en la matière.

Son Excellence, il ne serait pas exagéré de vous rappeler que du fait de notre déficience visuelle, nous vivons dans la misère et la précarité les plus extrêmes, aggravées par le fait que beaucoup d’entre nous, en l’occurrence ceux qui ont totalement perdu la vue, ont du mal à s’en sortir dans le secteur informel. Au lendemain de la signature en 2018 du décret d’application de la loi n° 2010/002 du 13 avril 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées, nous n’avions pas pu retenir notre joie, car nous croyions que c’était la fin de notre calvaire. Des marches de soutien ont d’ailleurs été observées à Douala et à Yaoundé à la grande satisfaction du gouvernement et de certains responsables d’associations des handicapés.

Quatre ans après, nous ne comprenons pas pourquoi nous continuons de subir des discriminations lors des recrutements dans les emplois publics et privés, bien que l’article 38 de ladite loi nous en reconnaisse la priorité par rapport aux personnes valides. « A qualification égale, la priorité de recrutement est accordée à la personne handicapée », précise l’alinéa 2 de l’article susmentionné.

A ce jour, nous ne réclamons qu’une chose : améliorer nos conditions de vie à travers l’application des textes qui nous protègent. En tant qu’êtres humains et citoyens à part entière, nous n’avons pas le sentiment que cette réclamation est démesurée voire impossible.

Afin de rendre le quotidien des personnes handicapées vivables, nous réitérons la demande de leur recrutement spécial dans la fonction publique, de création d’un fonds spécial pour financer leurs projets, d’instauration et d’élargissement de la pension d’invalidité et d’institution des quotas dans les concours d’intégration dans la fonction publique.
Nous demeurons convaincus que vous accorderez la plus haute importance à nos doléances clairement exprimées dans cette lettre.

Veuillez croire, son Excellence monsieur le Président de la République, à la
sincérité de nos revendications.

Pour le porte parole du Collectif, maître NGALLE MBOCK Janvier Alfred,
Avocat au Barreau du Cameroun, B.P 59 Douala, tel : 695 67 91 93/674 67 34
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